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La Première ministre britannique, Liz Truss, a jeté l’éponge 44 jours après sa prise de fonctions, minée par son programme économique qui a effrayé les places financières mondiales et abandonnée par sa majorité conservatrice. La suite, c’est une réunion des principaux responsables du Parti conservateur afin de nommer son successeur d’ici huit jours. Décryptage de cette débâcle avec Thibaud Harrois, maître de conférences en civilisation britannique contemporaine à l’Université Sorbonne Nouvelle.
RFI : On sait que Liz Truss n’était pas la candidate préférée des parlementaires de son propre camp, les conservateurs. Est-ce que cet échec était couru d’avance ?
Thibaud Harrois : Oui, on peut le dire ainsi. Liz Truss a été mal élue, elle a été élue par seulement une partie des membres du Parti conservateur. Elle n’avait pas le soutien de sa majorité, en tout cas pas de l’ensemble de sa majorité d’élus à la Chambre. Elle reflétait une certaine vision du Parti conservateur, une vision extrêmement libérale avec des mesures qui en effet ont déplu aux élus, mais qui se déplaçaient aussi à la population qui elle n’a rien dit finalement dans ce processus. Et donc elle avait du mal à asseoir son autorité.
Ce sont quand même les parlementaires conservateurs qui l’ont poussé vers la sortie. À quel moment est-il devenu évident qu’elle ne pouvait plus rester ?
Est-ce qu’il a été évident à un moment donné qu’elle pouvait rester ? C’est-à-dire, qu’à partir du moment où elle s’est présentée devant les conservateurs, devant les élus, avec ce mini-budget, avec ces mesures qui n’étaient pas financées, qui ont affolé les marchés, les conservateurs ont immédiatement eu des doutes sur sa capacité à amener le pays vers des jours meilleurs. Mais de manière générale, on peut se demander en ce moment quel est l’état du parti conservateur, et si quelqu’un d’autre pourrait prendre la suite et s’asseoir une autorité sur l’ensemble du parti.
On annonce que le successeur de Liz Truss sera désigné d’ici au 28 octobre par un vote interne. Chez les conservateurs, qui peut aujourd’hui lui succéder ? Certains parlent d’un retour de Boris Johnson ?
C’est une des hypothèses qui circulent parce que, dans l’immédiat, avec ce timing resserré -donc un changement de procédure pour élire le nouveau chef du parti conservateur-, il n’y a pas beaucoup de candidats qui soient prêts à s ‘aligner. Il n’y a pas beaucoup de candidats qui pourraient obtenir le soutien d’une centaine de députés comme c’est maintenant la règle. On parle de Boris Johnson parce qu’il a l’avantage d’avoir été Premier ministre il ya peu, et qu’il a un certain nombre de soutiens au sein du parti. Mais un retour de Boris Johnson, c’est peut-être aussi l’assurance pour les conservateurs de se couper complètement et définitivement de leur électorat. Et c’est peut-être aussi la tentation pour certains de quitter le parti et ils l’ont déjà dit : si Johnson revient, ils ne resteront pas dans le parti conservateur. Ils envisagent de changer de bord.
Vous parlez du désamour des électeurs. Les travaillistes, la gauche, sont en effet en tête des enquêteurs et demandent eux des élections anticipées dès maintenant. Les conservateurs vont-ils vraiment pouvoir éviter un examen avant la date prévue ?
C’est évidemment difficile de le dire. Mais il est vrai que, étant donné leur situation, on peut se demander déjà si un Premier ministre acceptera de mener les conservateurs vers des élections qui auraient lieu en 2024. Est-ce qu’il est possible de tenir deux ans encore ? Après douze ans au pouvoir, il est vrai aussi qu’il y a une certaine usure. Il ne faut pas oublier également que les conservateurs sont en réalité en train d’assumer les conséquences des choix qui ont été faits après le vote du référendum de 2016 sur le Brexit.
On voit que le livre a repris la valeur après le départ de Liz Truss. Est-ce qu’au danger de l’instabilité politique peut s’ajouter une crise économique encore plus grave qu’elle ne l’est déjà ?
On sait que pour les marchés, il est très important d’avoir la stabilité politique. Le mini-budget était l’annonce de mesures qui ont beaucoup inquiété les marchés, donc le changement de gouvernement est de nature à les rassurer, mais pour combien de temps ? C’est aussi une incertitude.
Les conservateurs sont-ils réellement capables de s’unir autour d’un chef aujourd’hui ?
C’est toute la question, il semblerait que les conservateurs actuellement, en fait depuis 2016, soient extrêmement divisés. Qu’ils ne sachent pas ce qu’ils veulent faire du vote du Brexit. Le parti, évidemment, est uni sur le fait qu’ils ne vont pas retourner dans l’UE, mais comment faire pour assumer les conséquences du Brexit ? Est-ce qu’il faut commencer à se rapprocher du marché unique ? Est-ce qu’il faut au contraire continuer à prendre ses distances ? Est-ce qu’il faut libéraliser davantage ou assumer certaines doses des dépenses publiques ? C’est tout le débat depuis 2016. On a vu ce que cela a donné avec Theresa May et Boris Johnson. Liz Truss a choisi l’option libérale, elle n’a pas fonctionné. Est-ce qu’on va retourner vers plus de gouvernement ? Ça, c’est difficile à prévoir, mais le parti conservateur est extrêmement divisé.
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