2024 rime en Inde avec l’élection. « La plus grande démocratie du monde » renouvelle son Parlement. Le examen qui commence ce 19 avril sera étalé sur six semaines, et se déroulera en sept phases, avec la déclaration des résultats prévue le 4 juin. 970 millions de personnes sont appelées aux urnes pour désigner les 545 députés qui siègeront pendant cinq ans dans la chambre basse du Parlement. Les logistiques mises en place par la Commission électorale indienne donnent le tournis : 1,2 millions de bureaux de vote, 2 millions de machines à voter électronique, 12 millions de fonctionnaires mobilisés… C’est vertigineux.
Tous les cinq ans, se prennent en compte Inde des élections législatives hors norme. L’année électorale 2024 ne dérogera pas à la règle, d’autant que ce pays est un géant démographique. Depuis l’année dernière, l’Inde est devenue la nation la plus peuplée du monde, ayant désormais dépassé la Chine avec plus de 1,4 milliard d’habitants.
C’est en 1951 qu’ont eu lieu les premières législatives indiennes, mobilisant quelque 170 millions d’électeurs. La 18e édition du scrutin se déroulera du 19 avril au 3 juin, avec 970 millions d’hommes et de femmes inscrits sur les registres électoraux. Le contrôle va être échelonné en 5 phases. Un véritable marathon électoral, dont les résultats seront connus le 4 juin.
La logistique mise en place par l’État indien est à la mesure de l’enjeu : à travers le pays seront installés 1,2 million de bureaux de vote où seront acheminés 2 millions de machines à voter électroniques, tout sous la surveillance de 15 des millions de fonctionnaires mobilisés pour l’occasion. Rappelons par ailleurs que les Indiens se passionnent pour les élections. Ils votent massivement, font la queue si nécessaire pendant des heures durant devant les bureaux de vote sous un soleil brûlant. Le taux de participation n’a arrêté de s’augmenter, passant de 45,7% aux premières législatives en 1951 à 67,1% aux législatives de 2019. L’organisation des élections est assurée par la Commission électorale indienne.
Une République fédérale
Avec une superficie de 3,3 millions de km2, l’Inde se situe parmi les dix États les plus vastes du monde. Presqu’aussi vaste que l’Union européenne, elle est organisée en une fédération de 29 États, dont six sont appelés des Territoires de l’union, gouvernés directement par l’État central. Le premier niveau de gouvernance de ces sous-ensembles est local, avec des Parlements régionaux élus au suffrage universel et des gouvernements provinciaux aux compétences particulières au niveau juridique, sécuritaire, économique et éducatif. Les 29 États sont également représentés, proportionnellement à leur population, au Parlement fédéral à New Delhi, la capitale du pays.
Siège du pouvoir législatif, le Parlement fédéral de New Delhi est une institution bicamérale. Il est composé d’une Chambre basse, appelée en hindi la « Lok sabha » ou Assemblée du peuple, avec 543 députés élus au suffrage universel, plus 2 nommés par le président de la République, et une Chambre haute, la « Rajya Sabha » ou Assemblée des États. Ce dernier compte 233 membres désignés au suffrage indirect par les assemblées législatives des États fédérés. Équivalents des sénateurs français, ils sont élus pour six ans et la Rajya Sabha est renouvelée par tiers tous les deux ans. La Chambre haute indienne possède un pouvoir législatif égal à celui de la Chambre basse, sauf en matière de finances où cette dernière possède l’autorité ultime.
« Festival de la démocratie »
Désigné « festival de la démocratie » par le Premier ministre indien Narendra Modi, les élections législatives constituent un moment crucial dans la vie politique indienne. La saison électorale commence par la dissolution du Parlement et l’ouverture de la campagne. Les règles pour faire campagne sont dictées par la Commission électorale qui a le pouvoir d’annuler les candidatures des récalcitrants. Il n’en reste pas moins que la campagne peut être violente, parfois meurtrière.
Qui vote ? Conformément à la règle du « un homme, une voix » inscrit dans la Constitution, tous les Indiens âgés de 18 ans au 1er janvier de l’année du contrôle sur le droit de vote. En 2019, le pays comptait quelque 900 millions d’électeurs. Cette année, 70 millions d’électeurs supplémentaires sont susceptibles de glisser un bulletin dans l’urne.
Les députés sont ainsi élus au suffrage universel direct dans un scrutin uninominal à un tour, selon le modèle britannique de « un scrutin uninominal majoritaire à un tour ». Pour obtenir la majorité, celui qui a le nombre le plus élevé de voix est élu. La majorité est fixée à 272 sièges. Le Premier ministre qui est l’homme fort du régime est issue du parti ou de la coalition majoritaire. Il est nommé par le chef de l’État qui, lui, est élu au suffrage indirect par un collège électoral regroupant les membres des deux Chambres mais aussi ceux des Assemblées législatives des États fédérés. Dans le système politique indien, les pouvoirs du président de la République sont subordonnés à l’autorité du Premier ministre.
8 000 candidats à la députation
Lors des dernières élections législatives qui se tiennent en 2019, 8 000 candidats ont concouru à la députation sous les étiquettes de plusieurs centaines de partis. Près de 2 300 partis politiques sont enregistrés, mais seul sept sont reconnus au niveau national et 59 au niveau des différents États.
C’est une coalition de centre-droit, l’Alliance démocratique nationale (NLD), avec pour principale composante le Fête Bharatiya Janata (BJP) professant un nationalisme hindou radical, qui avait remporté le scrutin de 2019 avec 353 sièges. Le BJP, dirigé par le très populaire Premier ministre sortant Narendra Modi, a réussi à remporter à lui seul 303 sièges, soit 31 de plus que la majorité absolue.
En face, le parti du Congrès, qui a longtemps dominé la vie politique indienne sous l’égide de la famille Nehru-Gandhi, a obtenu 52 sièges. Un mieux par rapport à son minuscule score de 44 députés en 2014.
Les enjeux de 2024
Cinq ans après les dernières législatives, les rapports de force entre les partis en présence n’ont pas beaucoup évolué. Aux législatives d’avril-juin 2024, le BJP du Premier ministre sortant Narendra Modi et le Congrès feront de nouveau visage. Les observateurs donnent le parti du Premier ministre en pôle position, alors que le Congrès à la tête d’une coalition regroupant les principaux partis de l’opposition semble avoir du mal à décoller dans les sondages d’opinion.
Au pouvoir depuis 10 ans, le Premier ministre demeure extrêmement populaire. Si l’on en croit les sondages, les Indiens semblent continuer à lui faire confiance et cela malgré sa gestion calamiteuse du Covid qui aurait fait entre 3,2 et 3,7 millions de morts selon des études déclarées par le ministère indien de la Santé . Le bilan économique du gouvernement Modi n’est pas très bon, comme en témoignent le chômage qui touche massivement la jeunesse selon les chiffres de la Banque mondiale, et l’inflation galopante que le gouvernement indien peine à maîtriser.
Plus grave encore, la menace que fait peser le gouvernement de Narendra Modi sur la laïcité à l’indienne, inscrite dans la Constitution. Issu d’un mouvement de suprémacistes hindous, le Premier ministre indien est soupçonné de vouloir changer la Constitution pour transformer le pays en une théocratie hindoue, où les minorités seront marginalisées, en particulier les musulmans. Selon Ashutosh Varshney, chercheur à Brown University, cité par Le gardien« Si Modi revient au pouvoir on peut imaginer un scénario à la Jim Crow dans les États fédérés gouvernés par le BJP. Ce sera le triomphe du « majoritarisme » hindou, avec pour conséquences la relégation des musulmans au rang de citoyens de seconde zone et à long terme la perte de leur nationalité. ».
Ces perspectives plutôt moroses expliquent que le « festival » électoral, aura cette année un goût américain pour le nombre d’Indiens.
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